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.Bientôt l'une après l'autre, comme des moineaux hésitants, ses amies arrivèrent toutesnoires sur la neige.Nous commençâmes à jouer et comme ce jour si tristement commencé devait finir dans lajoie, comme je m'approchais, avant de jouer aux barres, de l'amie à la voix brève que j'avais entendue lepremier jour crier le nom de Gilberte, elle me dit: "Non, non, on sait bien que vous aimez mieux être dans lecamp de Gilberte, d'ailleurs vous voyez elle vous fait signe." Elle m'appelait en effet pour que je vinsse sur lapelouse de neige, dans son camp, dont le soleil en lui donnant les reflets roses, l'usure métallique des brocartsanciens, faisait un camp du drap d'or.Ce jour que j'avais tant redouté fut au contraire un des seuls où je ne fus pas trop malheureux.Car, moi qui ne pensais plus qu'à ne jamais rester un jour sans voir Gilberte (au point qu'une fois magrand'mère n'étant pas rentrée pour l'heure du dîner, je ne pus m'empêcher de me dire tout de suite que si elleavait été écrasée par une voiture, je ne pourrais pas aller de quelque temps aux Champs-Élysées; on n'aimeplus personne dès qu'on aime) pourtant ces moments où j'étais auprès d'elle et que depuis la veille j'avais siimpatiemment attendus, pour lesquels j'avais tremblé, auxquels j'aurais sacrifié tout le reste, n'étaientnullement des moments heureux; et je le savais bien car c'était les seuls moments de ma vie sur lesquels jeconcentrasse une attention méticuleuse, acharnée, et elle ne découvrait pas en eux un atome de plaisir.Tout le temps que j'étais loin de Gilberte, j'avais besoin de la voir, parce que cherchant sans cesse à mereprésenter son image, je finissais par ne plus y réussir, et par ne plus savoir exactement à quoi correspondaitmon amour.Puis, elle ne m'avait encore jamais dit qu'elle m'aimait.Bien au contraire, elle avait souventTROISIÈME PARTIE.NOMS DE PAYS: LE NOM 195 Du Côté de Chez Swannprétendu qu'elle avait des amis qu'elle me préférait, que j'étais un bon camarade avec qui elle jouait volontiersquoique trop distrait, pas assez au jeu; enfin elle m'avait donné souvent des marques apparentes de froideurqui auraient pu ébranler ma croyance que j'étais pour elle un être différent des autres, si cette croyance avaitpris sa source dans un amour que Gilberte aurait eu pour moi, et non pas, comme cela était, dans l'amour quej'avais pour elle, ce qui la rendait autrement résistante, puisque cela la faisait dépendre de la manière mêmedont j'étais obligé, par une nécessité intérieure, de penser à Gilberte.Mais les sentiments que je ressentaispour elle, moi-même je ne les lui avais pas encore déclarés.Certes, à toutes les pages de mes cahiers,j'écrivais indéfiniment son nom et son adresse, mais à la vue de ces vagues lignes que je traçais sans qu'ellepensât pour cela à moi, qui lui faisaient prendre autour de moi tant de place apparente sans qu'elle fût mêléedavantage à ma vie, je me sentais découragé parce qu'elles ne me parlaient pas de Gilberte qui ne les verraitmême pas, mais de mon propre désir qu'elles semblaient me montrer comme quelque chose de purementpersonnel, d'irréel, de fastidieux et d'impuissant.Le plus pressé était que nous nous vissions Gilberte et moi,et que nous puissions nous faire l'aveu réciproque de notre amour, qui jusque-là n'aurait pour ainsi dire pascommencé.Sans doute les diverses raisons qui me rendaient si impatient de la voir auraient été moinsimpérieuses pour un homme mûr.Plus tard, il arrive que devenus habiles dans la culture de nos plaisirs, nousnous contentions de celui que nous avons à penser à une femme comme je pensais à Gilberte, sans êtreinquiets de savoir si cette image correspond à la réalité, et aussi de celui de l'aimer sans avoir besoin d'êtrecertain qu'elle nous aime; ou encore que nous renoncions au plaisir de lui avouer notre inclination pour elle,afin d'entretenir plus vivace l'inclination qu'elle a pour nous, imitant ces jardiniers japonais qui pour obtenirune plus belle fleur, en sacrifient plusieurs autres.Mais à l'époque où j'aimais Gilberte, je croyais encore quel'Amour existait réellement en dehors de nous; que, en permettant tout au plus que nous écartions lesobstacles, il offrait ses bonheurs dans un ordre auquel on n'était pas libre de rien changer; il me semblait quesi j'avais, de mon chef, substitué à la douceur de l'aveu la simulation de l'indifférence, je ne me serais passeulement privé d'une des joies dont j'avais le plus rêvé mais que je me serais fabriqué à ma guise un amourfactice et sans valeur, sans communication avec le vrai, dont j'aurais renoncé à suivre les chemins mystérieuxet préexistants.Mais quand j'arrivais aux Champs-Élysées, et que d'abord j'allais pouvoir confronter mon amour pour luifaire subir les rectifications nécessaires à sa cause vivante, indépendante de moi , dès que j'étais en présencede cette Gilberte Swann sur la vue de laquelle j'avais compté pour rafraîchir les images que ma mémoirefatiguée ne retrouvait plus, de cette Gilberte Swann avec qui j'avais joué hier, et que venait de me faire salueret reconnaître un instinct aveugle comme celui qui dans la marche nous met un pied devant l'autre avant quenous ayons eu le temps de penser, aussitôt tout se passait comme si elle et la fillette qui était l'objet de mesrêves avaient été deux êtres différents [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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