[ Pobierz całość w formacie PDF ]
.Je dis à Bloch que cela m'était impossible.«Hé bien,j'irai seul.Selon les deux ridicules alexandrins du sieur Arouet, je dirai à Saint-Loup, pour charmer soncléricalisme: «Apprends que mon devoir ne dépend pas du sien, qu'il y manque s'il veut; je dois faire le mien.»«Je reconnais qu'il est assez joli garçon, me dit Albertine, mais ce qu'il me dégoûte!» Je n'avais jamais songéque Bloch pût être joli garçon; il l'était, en effet.Avec une tête un peu proéminente, un nez très busqué, un aird'extrême finesse et d'être persuadé de sa finesse, il avait un visage agréable.Mais il ne pouvait pas plaire àAlbertine.C'était peut-être du reste à cause des mauvais côtés de celle-ci, de la dureté, de l'insensibilité de lapetite bande, de sa grossièreté avec tout ce qui n'était pas elle.D'ailleurs plus tard quand je les présentai,l'antipathie d'Albertine ne diminua pas.Bloch appartenait à un milieu où, entre la blague exercée dans lemonde et pourtant le respect suffisant des bonnes manières que doit avoir un homme qui a «les mainspropres», on a fait une sorte de compromis spécial qui diffère des manières du monde et est malgré tout unesorte particulièrement odieuse de mondanité.Quand on le présentait, il s'inclinait à la fois avec un sourire descepticisme et un respect exagéré et si c'était à un homme disait: «Enchanté, Monsieur», d'une voix qui semoquait des mots qu'elle prononçait mais avait conscience d'appartenir à quelqu'un qui n'était pas un mufle.Cette première seconde donnée à une coutume qu'il suivait et raillait à la fois (comme il disait le premierjanvier: «Je vous la souhaite bonne et heureuse») il prenait un air fin et rusé et «proférait des choses subtiles»qui étaient souvent pleines de vérité mais «tapaient sur les nerfs» d'Albertine.Quand je lui dis ce premier jourqu'il s'appelait Bloch, elle s'écria: «Je l'aurais parié que c'était un youpin.C'est bien leur genre de faire lespunaises.» Du reste, Bloch devait dans la suite irriter Albertine d'autre façon.Comme beaucoup d'intellectuelsil ne pouvait pas dire simplement les choses simples.Il trouvait pour chacune d'elles un qualificatif précieux,puis généralisait.Cela ennuyait Albertine, laquelle n'aimait pas beaucoup qu'on s'occupât de ce qu'elle faisait,que quand elle s'était foulé le pied et restait tranquille, Bloch dît: «Elle est sur sa chaise longue, mais parubiquité ne cesse pas de fréquenter simultanément de vagues golfs et de quelconques tennis.» Ce n'était quede la «littérature», mais qui, à cause des difficultés qu'Albertine sentait que cela pouvait lui créer avec desA L'Ombre Des Jeunes Filles en Fleur, Volume 3 52A L'Ombre Des Jeunes Filles en Fleur, Volume 3gens chez qui elle avait refusé une invitation en disant qu'elle ne pouvait pas remuer, eût suffi pour lui faireprendre en grippe la figure, le son de la voix, du garçon qui disait ces choses.Nous nous quittâmes, Albertineet moi, en nous promettant de sortir une fois ensemble.J'avais causé avec elle sans plus savoir où tombaientmes paroles, ce qu'elles devenaient, que si j'eusse jeté des cailloux dans un abîme sans fond.Qu'elles soientremplies en général par la personne à qui nous les adressons d'un sens qu'elle tire de sa propre substance et quiest très différent de celui que nous avions mis dans ces mêmes paroles, c'est un fait que la vie courante nousrévèle perpétuellement.Mais si de plus nous nous trouvons auprès d'une personne dont l'éducation (commepour moi celle d'Albertine) nous est inconcevable, inconnus les penchants, les lectures, les principes, nous nesavons pas si nos paroles éveillent en elle quelque chose qui y ressemble plus que chez un animal à quipourtant on aurait à faire comprendre certaines choses.De sorte qu'essayer de me lier avec Albertinem'apparaissait comme une mise en contact avec l'inconnu sinon avec l'impossible, comme un exercice aussimalaisé que dresser un cheval, aussi reposant qu'élever des abeilles ou que cultiver des rosiers.J'avais cru il y avait quelques heures qu'Albertine ne répondrait à mon salut que de loin.Nous venions de nousquitter en faisant le projet d'une excursion ensemble.Je me promis, quand je rencontrerais Albertine, d'êtreplus hardi avec elle, et je m'étais tracé d'avance le plan de tout ce que je lui dirais et même (maintenant quej'avais tout à fait l'impression qu'elle devait être légère) de tous les plaisirs que je lui demanderais.Maisl'esprit est influençable comme la plante, comme la cellule, comme les éléments chimiques, et le milieu qui lemodifie si on l'y plonge, ce sont des circonstances, un cadre nouveau.Devenu différent par le fait de saprésence même, quand je me trouvai de nouveau avec Albertine, je lui dis tout autre chose que ce que j'avaisprojeté.Puis me souvenant de la tempe enflammée je me demandais si Albertine n'apprécierait pas davantageune gentillesse qu'elle saurait être désintéressée.Enfin j'étais embarrassé devant certains de ses regards, de sessourires.Ils pouvaient signifier moeurs faciles mais aussi gaîté un peu bête d'une jeune fille sémillante maisayant un fond d'honnêteté.Une même expression, de figure comme de langage, pouvant comporter diversesacceptions, j'étais hésitant comme un élève devant les difficultés d'une version grecque.Cette fois-là nous rencontrâmes presque tout de suite la grande Andrée, celle qui avait sauté par-dessus lepremier président, Albertine dut me présenter.Son amie avait des yeux extraordinairement clairs, comme estdans un appartement à l'ombre l'entrée par la porte ouverte, d'une chambre où donnent le soleil et le refletverdâtre de la mer illuminée.Cinq messieurs passèrent que je connaissais très bien de vue depuis que j'étais à Balbec.Je m'étais souventdemandé qui ils étaient.«Ce ne sont pas des gens très chics, me dit Albertine en ricanant d'un air de mépris.Le petit vieux, qui a des gants jaunes, il en a une touche, hein, il dégotte bien, c'est le dentiste de Balbec, c'estun brave type; le gros c'est le maire, pas le tout petit gros, celui-là vous devez l'avoir vu, c'est le professeur dedanses, il est assez moche aussi, il ne peut pas nous souffrir parce que nous faisons trop de bruit au Casino,que nous démolissons ses chaises, que nous voulons danser sans tapis, aussi il ne nous a jamais donné le prixquoique il n'y a que nous qui sachions danser
[ Pobierz całość w formacie PDF ]