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.Ces fluctuations recoupent indirectement les définitions de César car elles s’expliquent par l’impossibilité, pour les dévots de l’époque romaine, de ramener les divinités celtiques aux normes classiques.Cette impossibilité s’étend évidemment aux érudits modernes et contemporains.Il n’est pas du tout certain, par exemple, que la triade de Lucain, dans la Pharsale, Esus-Taranis-Teutates, qui a fait l’objet de tant de commentaires érudits, ait été correctement interprétée.Si elle n’est pas – et elle ne semble pas être – un groupement dû au choix d’un auteur latin en quête d’insolite ou d’exotique, elle doit s’analyser en premier par le sens des théonymes :ESUS« Optimus »,TEUTATES« (chef) du peuple »,TARANIS« foudre, tonnerre ».Ce sont trois surnoms de Jupiter (Dagda) et la triade, dans ces conditions, reste ce qu’elle est, non pas un « triplement d’intensité » mais, beaucoup plus simplement, l’expression de la multiplicité dans l’unité.Elle rend compte, sur un autre plan, de la pluralité infinie des dénominations divines, tout comme les Lugoves dont il a été question plus haut (voir chapitre premier, II, 4).Mais on peut estimer aussi qu’elle est tri-fonctionnelle et exprime une réalité à la fois divine et sociale :– Esus étant le « meilleur » est dans ce cas le strict équivalent gaulois du Jupiter Optimus Maximus et c’est, pour ainsi dire, l’aspect le plus « sacerdotal » de Jupiter.– Teutates évoque, quant à lui, beaucoup moins la guerre que la touta, autrement dit ce que César nommait en Gaule la civitas.– Taranis, par son nom, évoque l’aspect « terrible » ou « terrifiant » de Jupiter.Il pourrait passer pour la partie militaire de la souveraineté.Nous aurions alors la traduction gauloise tardive, d’époque si ce n’est d’inspiration romaine, de la triade capitoline associant sous la protection du dieu suprême tout le corps social (Taranis représentant les milites gaulois et Teutates les quirites).Les classifications divines, dont on constate la précision, étaient donc aussi très souples.Nous ferons bientôt la même remarque sur la société humaine.On ne constate nullement, chez les Celtes le glissement fonctionnel des Germains qui ont attribué dans leur panthéon la souveraineté suprême au dieu guerrier.Entre le « contrat » et la « guerre » la Souveraineté divine et humaine est bien équilibrée : les traits guerriers du Dagda, sans être négligeables, ne sont pas les principaux et si Lug peut tout, en droit et en fait, il ne se substitue jamais à l’un de ses subordonnés.Chef des dieux, il n’intervient dans la Bataille de Mag Tured que pour accomplir l’acte décisif : paralyser par sa magie l’armée des Fomoire et abattre, d’un coup de pierre de fronde, le géant Balor, son propre grand-père, ce que lui seul était capable de faire.2.DIEUX, HÉROS ET GUERRIERS.Il serait difficile de parler de demi-dieux au même sens que dans la mythologie grecque.Du reste, en Irlande, dès qu’il s’agit de personnages d’une certaine dimension, légendaires ou pseudo-historiques, tout se passe sur le plan du mythe et la distinction entre l’humain et le divin perd de son intérêt puisque la tradition celtique ne s’intéresse guère aux hommes « ordinaires ».Les héros ne sont pas des dieux car ils n’ont aucune place dans le panthéon et la légende assigne, en général, une chronologie relative à leur existence, avec une enfance, une jeunesse, une vie bien remplie et une mort héroïque et violente.Mais les héros ne sont pas non plus des hommes ordinaires puisqu’ils ont accès à l’Autre Monde et que le moindre de leurs exploits est hors de la portée d’un être humain.Une autre distinction entre le « dieu » et le « héros » se situe au niveau fonctionnel.Sa qualité guerrière active l’empêche de prendre une part quelconque à l’exercice de la souveraineté (les relations de Cúchulainn et de la MórrÃgan, déesse de la guerre et aussi déesse souveraine, sont difficiles et tumultueuses, marquées par l’hostilité constante du héros et ponctuées de quelques traîtrises de la déesse).Il n’appartient au héros que de réaliser concrètement l’exploit militaire.En outre Cúchulainn, à la fois archétype et prototype, est seul de son envergure dans toute la légende irlandaise, les autres guerriers n’étant que ses inférieurs et ses imitateurs.Ce n’est pas un hasard si quelques auteurs grecs font d’Héraklès le héros fondateur de la Gaule.On ne prétendra donc pas que Cúchulainn est un dieu : c’est un héros guerrier qui meurt debout, face à l’ennemi.Mais il est fils de Lug.Sa naissance s’est faite en trois fois et sa conception a eu lieu dans l’Autre Monde.Tout se passe à l’inverse de la Grèce, non pas comme si les dieux descendaient sur terre engendrer des demi-dieux en aimant d’heureuses mortelles, mais au contraire comme si une fraction appréciable de la société humaine, sacerdotale, royale et militaire, avait brusquement été transplantée à l’étage des dieux et de leurs possibilités.Avec une seule différence de durée et de dimension il y a une correspondance très étroite, une ressemblance indiscutable entre ce monde-ci et l’autre.Le cycle d’Ulster qui est, avec le cycle mythologique, notre première source de renseignements, a une forte teinture mythologique : les personnages humains transposés dans le mythe se conduisent comme des dieux dont ils ont, d’une manière générale, la typologie et la fonction.Le monde mythique des Celtes est fait d’inlassables répétitions que ne masquent pas complètement des changements de dénomination : le Dagda se répète un peu dans le roi Conchobar et le druide Mog Ruith obtient l’initiation suprême en arrêtant, comme le Dagda, le cours du soleil (ce qui lui vaut la cécité surqualifiante).Cúchulainn est fils de Lug, mais dans son premier nom, Setanta (le « cheminant »), il a quelque chose d’Ogme en tant que « conducteur ».Ogme lui-même est prolongé par le « châtré » et rusé Celtchar, détenteur de la lance magique et mortelle qui accompagne le chaudron du Dagda.Le druide-médecin Fingen est, comme Diancecht, un merveilleux guérisseur : en observant la fumée sortant du toit d’une maison il sait de quelles maladies ses habitants sont atteints ; quand le roi Conchobar est mortellement blessé à la tête d’une pierre de fronde, il le sauve par une habile trépanation.A l’occasion une fonction ou une personnalité divine se fragmente, s’émiette en une trinité ou une infinité de personnages qui, pour les besoins de la cause, deviennent frères et sÅ“urs : il y a trois reines Medb, mais la reine Medb, souveraine du Connaught, a parfois cinq sÅ“urs.Le Dagda a deux frères, Manannan et Midir ; l’un est le dieu de l’Autre Monde, l’autre semble avoir été un souverain, juge des « enfers » et, selon tel ou tel récit, la même aventure est passée au compte de l’un ou de l’autre des trois frères.Il y a plusieurs déesses éponymes de l’Irlande (autant que l’île a de noms) et toutes ont la même histoire.L’Irlande possède à la vérité une multitude de noms mythiques ou symboliques et ses personnages sont fréquemment triples comme les dieux : trois Macha, trois MórrÃgan, trois Bodb, trois éponymes de l’Irlande, le nombre trois étant, dans sa pluralité, l’un des symboles de la parfaite unité divine.De là vient que la typologie des dieux est, chez les Celtes, d’apparence si complexe.3.LA COHÉRENCE DE LA MYTHOLOGIE CELTIQUE.En général, quand il est question des Celtes et de leur mythologie dans un ouvrage contemporain, on manque rarement d’insister sur le pittoresque coloré, presque exotique, de la littérature qui l’exprime
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