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.Les yeux fermés, avec une intoxication alimentaire.Ce seul croquis, elle l’a vendu pour cinquante minables dollars.Au téléphone, l’inspecteur Stilton demande : « Vous êtes toujours là ? »Misty répond : « Définissez-moi donc ce que vous entendez par : là.»Elle ajoute : « Allez-y.Allez voir Peter.» Elle est en train de placer des fleurs parfaites dans une prairie parfaite à l’aide d’une brosse en nylon numéro 2.Où se trouve Tabbi, Misty n’en sait rien.Savoir si Misty est censée être au boulot en cet instant, elle s’en fiche.Le seul fait dont elle soit sûre, c’est qu’elle travaille.Sa tête ne lui fait plus mal.Ses mains ne tremblent pas.« Le problème, dit Stilton, c’est que l’hôpital exige votre présence quand je verrai votre mari.»Et Misty répond que c’est impossible.Il faut qu’elle peigne.Elle a une gamine de treize ans à élever.Elle en est à sa seconde semaine de migraine.À l’aide d’une brosse en poils de martre numéro 4, elle essuie une bande de gris-blanc au-dessus de la prairie.Pose des pavés sur l’herbe.Elle creuse une excavation.Elle coule des fondations.Sur le papier qu’elle a devant elle, la brosse à peindre tue les arbres et les dégage.À l’aide de peinture marron, Misty entaille l’angle que fait la prairie.Misty lui redonne une pente.La brosse laboure sous l’herbe.Les fleurs ont disparu.Des murs de pierre blanche se dressent de l’excavation.Des fenêtres s’ouvrent dans les murs.Une tour monte vers le ciel.Un dôme s’arrondit en demi-cercle au-dessus du centre du bâtiment.Des volées de marches descendent au départ des embrasures de portes.Une rambarde court le long des terrasses.Une autre tour apparaît.Une autre aile s’étale et vient couvrir encore plus de prairie en repoussant là forêt.C’est Xanadu.San Simeon.Biltmore.Mar a Lago.C’est ce que les gens qui ont de l’argent bâtissent pour être protégés et seuls.Des endroits où ils croient pouvoir trouver le bonheur.Ce nouveau bâtiment n’est rien d’autre que l’âme mise à nu d’un individu friqué.C’est le havre de substitution des gens trop riches pour accepter de se confronter à la réalité.On peut peindre ce que l’on veut parce que la seule chose que l’on dévoile jamais, c’est soi.Et au téléphone, une voix lance : « Pouvons-nous dire demain à quinze heures, madame Wilmot ? »Sur l’aile d’un bâtiment, des statues apparaissent le long de la ligne de toit parfaite.Une piscine s’ouvre sur une terrasse parfaite.La prairie a presque entièrement disparu lorsqu’une nouvelle volée de marches descend jusqu’à la lisière des bois parfaits.Tout n’est qu’autoportrait.Tout n’est que journal intime.Et la voix au téléphone s’enquiert : « Madame Wilmot ? »Des plantes grimpantes escaladent les murs.Des cheminées bourgeonnent au sortir des ardoises du toit.Et la voix au téléphone demande : « Misty ? » La voix insiste : « Avez-vous jamais fait la demande d’une copie du certificat du légiste à la suite de la tentative de suicide de votre époux ? » L’inspecteur Stilton persiste : « Savez-vous où votre mari aurait pu se procurer des somnifères ? »Pour information, juste au cas où, le problème des facs d’arts plastiques, c’est qu’on peut t’y enseigner technique et pratiques, mais on ne peut pas te donner de talent.On ne peut pas acheter l’inspiration.On ne peut pas atteindre à une épiphanie par simple raisonnement logique.Développer une formule.Une carte routière qui conduirait à l’illumination.« Le sang de votre époux, explique Stilton, était chargé de phénobarbital de sodium.»Et il n’existe aucune trace matérielle de présence de médicaments sur les lieux, ajoute-t-il.Pas de flacon de pilules ni d’eau.Aucune trace d’ordonnance au nom de Peter.Toujours peignant, Misty demande où tout cela va mener.Et Stilton de répondre : « Vous pourriez peut-être réfléchir à ceux qui souhaitaient sa mort.— Il n’y a que moi », lâche Misty.Avant de le regretter aussitôt.La peinture est terminée, parfaite, magnifique.Jamais Misty n’a vu cet endroit.D’où il a pu lui venir, elle n’en a aucune idée.Puis, à l’aide de sa brosse langue de chat numéro 12 chargée de noir d’ivoire, elle recouvre tout, elle efface tout.25 juilletToutes les grandes demeures qui s’alignent sur Gum Street et Larch Street, elles paraissent tellement superbes la première fois que tu les vois.Toutes autant qu’elles sont, sur deux ou trois étages, avec leurs colonnades blanches, elles remontent au dernier boom économique, quatre-vingts ans auparavant.Un siècle.Maison après maison, elles sont bien en retrait de la rue parmi de grands arbres aux larges ramures aussi vastes que les nuages d’un orage de verdure, des noyers et des chênes.Elles s’alignent des deux côtés de Cedar Street, en face l’une de l’autre derrière leurs pelouses bien roulées.La première fois que tu les vois, elles ont une allure tellement riche.« Des façades de temple », a déclaré Harrow Wilmot à Misty.Dès 1798, les Américains avaient commencé à bâtir des façades simples mais massives dans un style néogrec.Mais, à partir de 1824, explique-t-il, quand William Strickland a conçu les plans de la Seconde Banque des États-Unis à Philadelphie, il n’a plus été possible de faire marche arrière.Après cela, les maisons grandes et petites se devaient d’avoir une rangée de colonnades à cannelures et un fronton surplombant en façade.Les gens appelaient ça « des maisons à un côté » parce que toutes ces fioritures chicos ne concernaient qu’un des bouts de la bâtisse.Le reste de la maison était banal.Ce qui pourrait quasiment correspondre à la description de toutes les maisons de l’île.Que du tape-à-l’œil.Tout en façade.Ta première impression.Depuis le bâtiment du capitole à Washington jusqu’à la plus petite chaumière, ce que les architectes ont surnommé le « cancer grec » était partout.« Pour l’architecture, explique Harrow, ç’a été la fin du progrès et le commencement du recyclage.» Il avait retrouvé Misty et Peter à la gare routière de Long Beach et les avait emmenés au ferry.Les maisons de l’île, elles sont toutes tellement grandioses, jusqu’à ce que tu remarques la peinture écaillée qui s’accumule au pied de chaque colonnade.Sur le toit, les noues sont rouillées et pendouillent des rives en bandelettes rouges et tordues [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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