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.— Kem ne cesse d’enquêter ; il croit avoir identifié l’assassin.Bel-Tran garda son sang-froid, mais son regard se troubla.— Mon hypothèse est différente de celle du chef de la police ; à plusieurs reprises, j’ai hésité à inculper votre épouse.— Silkis ? Mais.— C’est elle, la femme qui attira l’attention du gardien-chef du sphinx, afin de lui faire perdre sa vigilance.Depuis le début du complot, elle vous obéit ; excellente tisserande, elle manie l’aiguille mieux que quiconque.Nulle n’est plus redoutable que la femme-enfant, affirment les vieux sages ; je la sens capable d’avoir assassiné Branir en lui enfonçant dans la nuque une aiguille en nacre.— Votre fièvre est pernicieuse.— Silkis a besoin de votre fortune, mais vous êtes son esclave, bien plus que vous ne l’imaginez.C’est le mal qui vous lie.— Trêve de vos misérables pensées ! Vous soumettrez-vous enfin ?— L’avoir supposé démontre un manque certain de lucidité.Bel-Tran se leva.— N’intervenez ni contre Silkis, ni contre moi.Pour vous et votre roi, tout est perdu ; le testament des dieux est à jamais hors de votre portée.*Le vent du soir annonçait le printemps, chaud, parfumé, il portait au loin l’âme du désert.On se couchait plus tard, on parlait de maison à maison, on s’informait des événements de la journée.Kem attendit que les dernières lampes fussent éteintes avant de s’aventurer dans les ruelles menant aux docks.Le babouin avançait d’un pas lent, tournait la tête à droite et à gauche, regardait au-dessus de lui, comme s’il pressentait un danger.Nerveux, il revenait parfois sur ses pas, puis pressait brusquement l’allure.Le Nubien respectait la moindre des réactions du singe ; dans les ténèbres, il le guidait.La zone des docks était silencieuse ; des gardiens veillaient devant les entrepôts.Kem et Courtes-cuisses s’étaient donné rendez-vous derrière un bâtiment abandonné, avant réfection.L’indicateur avait coutume de traiter là un certain nombre d’affaires illicites sur lesquelles le Nubien acceptait de fermer les yeux, en échange de renseignements que les policiers sédentaires ne pouvaient obtenir.Courtes-cuisses était sorti du chemin de la vérité dès sa naissance ; trafiquant spontané, il n’avait d’autre plaisir que de voler son prochain.Le petit peuple de Memphis ne gardait aucun secret pour lui ; depuis le début de son enquête, Kem pensait qu’il serait le seul à lui procurer une information sérieuse sur l’assassin, mais il ne devait pas le brusquer, sous peine de se heurter à un mutisme définitif.Le babouin s’immobilisa, aux aguets.Son ouïe était bien plus fine que celle d’un homme et son métier de policier avait développé ses facultés de perception.Des nuages masquèrent le premier quartier de la lune ; l’obscurité s’étendit sur l’entrepôt abandonné, dépourvu de portes.Le singe reprit sa progression.La bonne volonté de Courtes-cuisses découlait d’un ennui juridique ; son ex-épouse, bien conseillée, le dépouillait de la petite fortune qu’il avait amassée.Il devait se résoudre à vendre son bien le plus précieux : l’identité de l’avaleur d’ombres.Que réclamerait-il en échange ? De l’or, le silence du chef de la police sur un trafic plus important qu’à l’ordinaire, une cargaison de jarres de vin.Kem aviserait.Le babouin émit une plainte déchirante.Kem crut qu’il s’était blessé ; un examen rapide lui suffit pour constater qu’il se trompait.Tueur accepta de continuer et contourna l’entrepôt.À l’endroit du rendez-vous, personne.Kem s’assit à côté du babouin, paisible.Courtes-cuisses avait-il renoncé ? Le Nubien n’y croyait pas.L’indicateur avait besoin d’une aide matérielle urgente.La nuit s’écoula.Peu avant l’aube, Tueur prit son collègue par la main et l’entraîna à l’intérieur de l’entrepôt.Paniers abandonnés, caisses éventrées, débris d’outils.Le singe se fraya un passage dans ce chaos, s’arrêta devant un empilement de sacs de grains et émit la même plainte que quelques heures auparavant.Le chef de la police ôta les sacs avec hargne.Calé contre un pilier de bois, Courtes-cuisses était bien venu au rendez-vous ; la nuque brisée par l’avaleur d’ombres, il ne livrerait pas son nom.*Pazair rasséréna Kem.— Je suis responsable de la mort de Courtes-cuisses.— Bien sûr que non ; c’est lui qui vous a contacté.— J’aurais dû le faire protéger.— De quelle manière ?— Je ne sais pas, je.— Cessez de vous tourmenter.— L’avaleur d’ombres a eu vent des intentions de Courtes-cuisses, il l’a suivi et supprimé.— Ou bien il a tenté d’exercer sur lui un chantage.— Il était assez vénal pour commettre pareille folie.Et la piste est de nouveau coupée.Bien entendu, je maintiens la protection autour de vous.— Prenez des dispositions ; nous partons demain pour la Moyenne-Égypte.La voix de Pazair s’était assombrie.— Un incident ?— Plusieurs rapports inquiétants, dus à des administrateurs provinciaux.— À quel sujet ?— L’eau.— Redouteriez-vous.— Le pire.*Néféret avait réussi une opération délicate : un jeune artisan, blessé au crâne, vertèbres cervicales lésées, tempe droite enfoncée.L’homme était tombé du toit d’une demeure ; transporté très vite à l’hôpital, il survivrait.Épuisée, la jeune femme s’était endormie dans l’une des salles de repos.L’un de ses assistants la réveilla.— Je suis désolé, mais j’ai besoin de vous.— Faites appel à un autre chirurgien ; je n’ai plus la force d’opérer.— Il s’agit d’un cas étrange ; votre diagnostic est indispensable.Néféret se leva et suivit l’assistant.La patiente avait les yeux ouverts, mais fixes.gée d’une quarantaine d’années, elle portait une robe luxueuse ; mains et pieds soignés prouvaient son appartenance à une famille aisée.— Elle était allongée dans une ruelle du quartier nord, expliqua l’assistant ; les habitants ne la connaissaient pas.Elle ressemble à une malade que l’on vient d’anesthésier.Néféret écouta la voix du coeur dans les artères, puis examina les yeux.— Cette femme est droguée, conclut-elle ; elle a absorbé de l’extrait de pavot rose, une substance qui ne doit être utilisée qu’à l’hôpital{15}.Je demande l’ouverture immédiate d’une enquête.*Pazair, devant l’insistance de son épouse, avait retardé son départ pour la Moyenne-Égypte et demandé à Kem d’enquêter sur le terrain.La femme était morte de son abus de drogue, sans sortir du coma.Grâce au singe, les langues se délièrent.La malheureuse était venue trois fois dans la ruelle où un homme l’attendait.Un Grec, installé dans une belle demeure, marchand de vases précieux.Lorsque Kem se présenta chez lui, le suspect était absent ; une servante pria le chef de la police de s’installer dans la salle d’hôte et lui apporta une bière fraîche.Parti traiter une affaire sur les quais, le négociant ne tarderait pas à rentrer.Grand, maigre, barbu, le Grec prit ses jambes à son cou dès qu’il aperçut le chef de la police.Kem ne bougea pas, confiant dans la vigilance de son collègue.De fait, le singe fit un croche-pied au fuyard, qui s’étala de tout son long sur le dallage.Kem le releva en le tirant par sa tunique.— Je suis innocent !— Tu as tué une femme.— Je vends des vases, rien de plus.Un instant, le Nubien se demanda s’il ne tenait pas l’avaleur d’ombres ; mais le personnage lui parut trop facile à piéger.— Si tu ne parles pas, tu seras condamné à mort [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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